Le 28 juin dernier, NB Consulting, cabinet d’expertise & conseil retraite, et LM Avocats, cabinet spécialisé en droit du travail & droit de la sécurité sociale, se sont réunis pour animer un webinaire consacré au départ à la retraite. Didactique, cet article propose une synthèse des étapes à suivre pour partir à la retraite en toute sérénité. Et surtout, vous livrer les clés d’une fin de carrière optimale.
Étape 1. Connaître les notions clés
Âge de départ / Taux plein : ce qu’il faut (absolument) savoir
Rappelons d’abord deux notions essentielles pour bien comprendre les enjeux d’une retraite réussie : l’âge de départ d’un côté, le taux plein de l’autre.
Dans une situation classique où vous avez commencé à travailler après 20 ans et où vous ne présentez aucune particularité au regard de la Sécurité Sociale, il ne vous est pas possible de liquider vos droits à la retraite avant l’âge légal, fixé à ce jour à 62 ans (un âge voué à évoluer avec la réforme).
Dans d’autres situations, dites « dérogatoires », vous pouvez, sous certaines conditions, partir à la retraite avant cet âge. Ce peut être le cas si vous avez commencé à travailler jeune (carrière longue), si vous avez travaillé un certain temps en situation de handicap ou bien encore si vous vous trouvez dans une situation d’incapacité permanente d’origine professionnelle. Une fois l’âge identifié, nous recommandons de prendre vos pensions de retraite au taux plein (avec tous vos trimestres) pour percevoir 100% de ses droits. Dans des cas plus rares, là aussi dérogatoires, vous pouvez à 62 ans bénéficier du taux plein même si vous n’avez pas cumulé tous vos trimestres : sont notamment concernées les personnes jugées inaptes au travail.
Mais rassurez-vous. Quelle que soit votre situation, vous avez la possibilité de racheter les trimestres qui vous manquent pour liquider vos droits à la retraite dès 52 ans et ce, sans abattement fiscal. À noter qu’à partir de 67 ans, indépendamment du nombre de trimestres accumulés, le taux plein vous est automatiquement accordé. Votre défi donc : partir à la chasse aux trimestres en veillant à positionner le curseur au bon moment pour bénéficier du taux plein dans les meilleures conditions possibles.
Étape 2. Reconstituer votre carrière
Relevés de carrière & pensions attribuées : une vigilance de mise
Lors d’une reconstitution de carrière, un réflexe s’impose : contrôler l’ensemble de vos droits. Eh oui, les erreurs sont nombreuses ! Vous n’êtes pas sans savoir que le système français compte parmi le plus complexe qui soit avec 42 régimes différents. Une complexité qui démultiplie les anomalies à tous les stades de l’information : pensions mal attribuées, périodes mal enregistrées ou passées aux oubliettes (chômage, droits cadres, expatriation), irrégularités dans les relevés de situation, erreurs de calculs, etc. La Cour des comptes reconnaît elle-même les limites des supports techniques mis à la disposition de ses agent·es dans le cadre des contrôles de carrière. Des supports qui ne permettraient pas de couvrir « le risque lié à l’application erronée de la réglementation, à l’omission d’informations utiles à la justification des régularisations effectuées ou encore à la survenance d’erreurs d’inattention. »
Or, une seule erreur peut avoir un impact financier irréversible sur le montant de vos droits et la date de départ à la retraite dite optimale. À l’inverse, une régularisation en bonne et due forme permet de gagner jusqu’à 5 ans de pensions de retraite. L’astuce ? Téléchargez votre relevé de situation individuel tous régimes confondus en un clic sur le site de l’assurance retraite. C’est à la lumière de ce document socle que vous pourrez vérifier si toutes les périodes d’activité correspondent à la vérité de votre carrière. Restez toutefois conscient·es que ça reste une analyse à l’œil et que, sans le truchement d’un outil technique fourni par des expert·es retraite, il est difficile d’identifier toutes les anomalies.
Étape 3. Rompre votre contrat de travail
Rupture de contrat : l’art de la négociation
Une fois que vous avez pu vérifier votre reconstitution de carrière et que vous êtes prêt·es à partir, la question se pose de l’art et la manière de rompre votre contrat de travail. En la matière, il existe 4 modes de rupture à étudier selon votre situation.
- Le plus fréquent ? Le départ volontaire à la retraite. Si ce dispositif a l’avantage d’être simple et pratique, il ne permet de percevoir que des indemnités intégralement soumises à charges et à l’impôt sur les revenus (indemnité de départ à la retraite, indemnités de congés payés, RTT, préavis, etc.).
- Le plus avantageux ? La rupture conventionnelle. Ce mode de rupture suppose deux conditions pour obtenir une exonération totale ou partielle des indemnités : ne pas avoir atteint l’âge légal et ne pas avoir le nombre de trimestres requis. Dans ce cas précis, le montant minimum est plus élevé que celui l’indemnité de départ à la retraite. Qui plus est, vous avez la possibilité de négocier une indemnité supra-légale en plus de celle de base, les deux étant exonérées de l’IR, des charges sociales et patronales et de CSG/CRDS, dans une certaine limite. L’avantage : un montage peu complexe. L’inconvénient : il n’est pas ouvert à tout le monde.
- Le plus délicat ? Le départ négocié. Faisant souvent suite à un licenciement, la ou le salarié et l’employeur identifient un préjudice, s’accordent pour le réparer grâce à une indemnité transactionnelle et concluent un protocole transactionnel postérieur au licenciement. Les avantages : il concerne tout le monde et donne accès à des indemnités plus élevées. L’inconvénient : sa mise en œuvre complexe et nécessite l’intervention de cabinets d’avocats pour assister chacune des deux parties.
- Le moins connu ? Le procès-verbal d’homologation qui nécessite une rupture du contrat par la voie d’un licenciement. Le ou la salariée doit formuler une contestation devant le conseil de prud’hommes qui doit ensuite l’homologuer. Réservé aux personnes n’ayant pas encore atteint l’âge légal de départ à la retraite ou à bien celles soumises à une forte fiscalité au moment du départ à la retraite, ce mode de rupture présente notamment l’avantage de partir avec une indemnité pouvant aller jusqu’à 24 mois de salaire exonérés d’impôts et de CSG/CRDC.
Étape 4. Optimiser vos revenus
Dispositif d’aménagement de fin de carrière : un arbitrage financier à faire
À l’approche de la retraite, l’autre grande question à vous poser concerne ce que vous voulez en faire : quel est votre objectif ? Lever le pied ? Vous lancer dans un nouveau projet professionnel et/ou associatif ? En fonction de vos réponses, il existe là aussi un dispositif d’aménagement de fin de carrière adapté pour partir dans les meilleures conditions possibles.
- Le plus efficace ? Le rachat de trimestres qui se scinde en deux catégories. Le rachat de trimestres Fillon et le rachat de trimestre Madelin. Le premier consiste à racheter les années d’études sanctionnées par un diplôme (France ou UE) ou les années incomplètes (années où report de rémunération non validées en trimestres). Les avantages : éviter une décote, cumuler emploi et retraite sans plafond, défiscaliser, mettre à l’abri des réformes futures… L’inconvénient majeur : le rachat est limité à 12 trimestres, sans compter que c’est un coût. Réservé aux travailleurs indépendants, le second consiste à racheter les 6 années incomplètes (souvent les années de démarrage de l’activité). Les avantages : moins coûteux que le rachat Fillon et aucune limite du nombre de trimestres rachetés. L’inconvénient principal : obligation de racheter les trimestres manquants des 6 dernières années, sinon rien. Quoi qu’il en soit, le rachat de trimestres ne doit intervenir que lorsque vous avez une vision claire de vos objectifs professionnels et personnels en matière de retraite. C’est un vrai arbitrage à faire.
- Le plus apprécié ? Le cumul emploi-retraite qui concerne près de 535 000 personnes en 2020 en France. Comme son nom l’indique, il s’agit de cumuler une période d’activité professionnelle tout en percevant sa retraite. En l’occurrence, nous vous conseillons de privilégier le cumul intégral qui permet, à condition d’avoir 62 ans et d’avoir atteint votre taux plein (les fameux trimestres), de percevoir vos pensions de retraite avec des revenus d’activité sans aucun plafond, sous réserve d’avoir liquidé toutes vos pensions de retraite et acté une rupture du contrat de travail. Sans ces conditions, il est préférable d’opter pour un cumul partiel avec, à l’inverse, un plafonnement des rémunérations perçues.
- Le plus rare ? La retraite progressive qui offre une transition douce entre le monde du travail et la retraite sans perte significative de rémunération. Encore peu utilisées (12 344 personnes en 2020, dont 73% de femmes), ce dispositif permet de percevoir une partie des pensions de retraite tout en travaillant à temps partiel et ce, dès 60 ans. Les avantages : des conditions d’accès souples pour celles et ceux qui souhaitent « lever le pied » et la possibilité de gagner plus pour les salarié·es déjà à temps partiel. L’inconvénient : le calcul de l’indemnité de départ en retraite peut être impacté en l’absence de négociation.
- Le plus avantageux ? Le chômage en fin de carrière qui s’applique aux salarié·es de plus de 50 ans ayant cotisé au moins 12 ans au régime d’assurance chômage. Ces personnes peuvent bénéficier de 36 mois d’indemnisation chômage avec possibilité, sous conditions, de maintenir les droits chômage jusqu’au moment de leur éligibilité au taux plein. Pendant cette période, des droits à la retraite continuent d’être attribués, ce qui contribue à augmenter vos pensions de retraite. Reste à jauger, selon votre situation, si ce dispositif est plus intéressant qu’un départ à la retraite anticipé.
En bref, préparer votre départ à la retraite requiert une grande vigilance, doublée d’une vision stratège de votre avenir. L’enjeu est d’autant plus important que la retraite correspond à une seconde étape de vie où tout (re)devient possible. Alors un conseil : n’attendez pas pour faire valoir vos droits à la retraite !